dimanche 31 janvier 2021

UN TRAITRE EN QUESTION



 Pierre et Alice regardent Downton Abbey, la série britannique, comme on regarde un livre d’images. Alice, qui fait des études de mathématiques à Paris 7 est lové dans les bras de Pierre qui est en master 2 d’économie à Nanterre. Le canapé est confortable. On ne peut pas dire qu’ils s’ennuient en regardant la série mais les commentaires constants et trop fréquents qu’ils ne peuvent s’empêcher de faire indiquent qu’il y a un malaise comme s’ils se rendaient compte qu’ils appréciaient le premier degré en regrettant qu’il ne s’agisse pas du second. Ils s’étonnent à la fois de l’écart entre le côté convenu des situations et l’imagination des scénaristes. Ils remarquent les détails qui donnent une certaine épaisseur aux personnages tout en notant qu’ils sont d’une banalité déconcertante. Est-ce cela le lot des séries populaires ? 


Pierre est fasciné par le fait que des gens, sans doute pour des raisons alimentaires, passent des années de leurs vies à imaginer et concevoir des séries pareilles. Des séries divertissantes, certes, mais sans ambitions intellectuelles. 


Alice remarque l’empilement des poncifs et imagine qu’avant de commencer à écrire vraiment, les auteurs ont fait des listes de situations, des to-do listes de scènes signifiantes à ne pas rater avec une kyrielle de considérations politiques, sociales, sociétales, psychologiques, mêlant lutte des classes et situations psychologiques, biais cognitifs et autres modes du monde moderne appliquées de façon efficace et anachronique à une époque révolue, exotique, et en même temps intemporelle avec cette collection d’hypocrisies, de bravoure, de faux-semblants et autres jalousies, envies, désirs de puissance, secrets cachés, trahisons, banalités, gourmandise, mensonges, les faits d’armes éternels de la triste humanité.


Alors, pourquoi Alice et Pierre regardent-ils Downton Abbey en sachant tout cela ? Pour se distraire, tout simplement. Pour passer un moment ensemble en faisant la même chose. Pour profiter d’un long prétexte pour échanger des mots, des idées, des jugements, et se tenir l’un contre l’autre sans faire l’amour ou un peu avant. Disons-le tout de suite : ils n’iront pas jusqu’au bout de la série, ils abandonneront en route. Il arrivera un moment où ils se diront : cela suffit. On en a assez vu. On a compris l’affaire. C’est bon.


Il y a aussi eu un caillou dans leur chaussure (commune).


Un des domestiques de la série s’appelle Thomas. C’est un méchant. Il est sournois, il est toujours en train de manigancer quelque chose et surtout contre les gentils personnages, ceux que l’on fait aimer. C’est un mauvais. Accessoirement, il est gay. Il est énervant de malignité. Et il est soutenu par la gouvernante de la maîtresse de maison, Sarah, qui entend tout, écoute tout et joue les sainte-nitouche avec sa patronne. Quand les premiers soldats partent pour la guerre de 1914, Lord Crawley en est exempté pour des raisons futiles qui tiennent à son rang et les scénaristes, avec une délicatesse toute britannique, laissent entendre que cela n’est pas très bien, ne pas donner l’exemple, et que Crawley lui-même n’est pas à l’aise dans ses guêtres. La réflexion à laquelle s’attendent les auteurs (ils ont ainsi coché une case sur leur plan de carrière scénaristique) est celle-ci : Crawley est un aristocrate qui a une conscience. Le message subliminal : mêmes les aristocrates planqués ont une âme.


Quant à Thomas, il est confronté à l’inhumaine violence de la guerre des tranchées, à la tuerie qu’il côtoie et qui l’effraie, il voit des soldats mourir autour de lui, des soldats se faire estropier, et il décide qu’il ne peut rester, qu’il va y rester. Déserter n’est pas possible. Où irait-il ? C’est le début de la guerre. Kubrick n’a pas encore tourné Les sentiers de la gloire, Barbusse n’a pas écrit Le feu, pas plus que Dorgelès Les croix de bois et Hemingway est très loin de L’adieu aux armes, il faut qu’il trouve un prétexte. Et il en trouve un : il se blesse gravement lui-même. Il finit par être rapatrié en Angleterre, tout près de Downton Abbey dans un hôpital de campagne créé par une société philanthropique. La blessure n’est pas bénigne.


Pierre : « C’est quand même un salaud. »

Alice : « Tu veux dire qu’on veut le faire passer pour un salaud ? »

Pierre : « Comment cela ? »

Alice : « Est-ce qu’il est plus un salaud que les pacifistes ? »

Pierre : « Quel est le rapport ? Tu penses vraiment que les pacifistes sont des salauds ? » 

Alice : « Si les pacifistes ne sont pas des salauds, alors Thomas est encore moins un salaud. En tous les cas il est moins salaud que Crawley qui a échappé à la guerre par piston aristocratique… Il est moins salaud que les pacifistes car il s’est quasiment amputé d’une main pour y échapper… »


Ils n’ont pas envie de se disputer. Alice : « Thomas serait-il un salaud parce qu’il a peur de mourir dans une sale guerre dont on saura plus tard la totale inutilité ? Il sauve sa peau comme il peut et, on pourrait dire, avec une certaine élégance morale. Or, notre première réaction, je l’avoue, j’y ai aussi pensé, c’est de dire qu’il est un pur salaud à cause de son passé de magouilleur, de menteur et de traître. Mais, dans le contexte de la guerre, c’est un héros. »

Pierre : « Un héros ? »



(Versailles le 26 janvier 2021)



jeudi 14 janvier 2021

UNE RETRAITE BIEN MERITEE

 



Depuis qu’elle a annoncé qu’elle allait prendre sa retraite on lui demande toujours la même chose. Elle est surprise : « Vous allez vous installer dans le sud ? Pourquoi n’iriez-vous pas au Maroc ? Vous allez faire des voyages ? »


Depuis la mort de son mari, cela fait déjà quatre ans, elle n’a pas récupéré. Non pas que son mari lui manque, en toute franchise elle ne peut pas dire cela. Il lui manque d’une certaine manière, elle a toujours aimé dormir à côté de lui, sentir la chaleur de son corps, sa présence rassurante, son côté égoïste qui lui épargnait des intrusions dans sa propre vie privée, cette sorte d’indifférence amoureuse et amicale qui rendait la vie en couple supportable au long des années. 


Elle n’a pas récupéré car ce départ, elle aime cette façon moderne et vulgaire de parler de la mort, lui a renvoyé en pleine figure que sa vie d’avant avait été morne et que sa vie d’après l’était encore plus. Elle a recherché sur Google s’il existait un chercheur qui avait mis au point une échelle de mornitude, elle n’a pas trouvé. 


Pauvre petite fille riche, aurait dû être le commentaire de tout un chacun, à propos de cette mornitude existentielle. Pharmacienne, elle a géré le laboratoire d’analyses médicales avec son mari, lui-aussi pharmacien. L’établissement avait pignon sur rue, le couple et leurs enfants faisaient partie des un pour cent des Français ayant les plus hauts revenus, ils exerçaient dans une banlieue populaire, ils habitaient dans une banlieue bourgeoise, bla-bla-bla, ils n’avaient jamais eu de problèmes de fin de mois sauf au tout début quand il fallait rembourser les prêts pour le laboratoire et pour la maison, enfin, des problèmes sans rapports avec ceux des gens qui se demandent comment ils vont faire pour acheter un simple ballon pour leurs enfants.


Maintenant que son mari est « parti » elle continue de gérer mais cela ne change pas grand-chose pour elle puisque c’était elle qui faisait tout, suivre au jour le jour la marche de l’entreprise, avoir un œil sur les recettes et sur les dépenses, parler au comptable et s’entendre avec les fournisseurs. 


A soixante-neuf ans il ne lui reste plus qu’à vendre et à prendre une retraite bien méritée, comme on dit. Elle ne se voit pas mourir en scène. Les offres sont alléchantes et elle n’a pas besoin d’argent. Que va-t-elle faire ? Son compagnon de voyage est mort. Son compagnon de restaurant est mort. Son compagnon de musique, de lecture, d’expositions est mort. Pourquoi en ferait-elle plus à la retraite qu’elle n’en a fait quand il s’en est allé ? En raison du temps libre que la vie lui octroie désormais ? 


Ses origines marocaines auraient pu la conduire à acheter un riad à Marrakech, c’est très chic, y passer l’hiver, faire table et chambres ouvertes pour ses enfants et ses petits-enfants. Et à le leur confier en été. Non, elle n’en a pas envie. Qu’irait-elle faire dans un pays qu’elle connaît si mal ? Dans un pays où elle n’aurait aucuns repères sociaux ? Dans un pays où elle serait considérée comme une étrangère, destin auquel elle a réussi à échapper en France malgré son prénom et son teint. Qu’irait-elle faire dans le pays de ses parents sinon jouer les riches et profiter de son argent en exploitant le petit personnel local qui finirait par la mépriser et ne la considérer que comme une riche émigrée ?


Sa passion pour les voyages aurait pu la conduire à continuer à se promener partout dans le monde (celui qu’elle ne connaîtrait pas déjà : pas question de retourner là ou son mari et elle seraient allés). Mais avec qui ? Devant la mosquée bleue de Tabriz avec qui pourrait-elle faire partager son émerveillement et son émotion ? Avec un ou une inconnue de Voyageurs d’Elite sans frontières ? Seule ? Accompagnée d’un couple d’ami ? Accompagnée d’une amie de son âge veuve ou divorcée ? Non, elle n’en est pas capable.


Faudrait-il aussi qu’elle s’installe dans le sud, une maison dans le Lubéron, dans un village charmant mais paumé, sans amis, sans relations, et sous le regard noir des autochtones et des déjà installés qui ne veulent pas faire partager leur paradis ? Non, elle ne le sent pas. Une maison avec piscine pour que sa famille ne l’oublie pas et désire venir la voir…


Elle se rappelle ceci  : elle a ressenti un sentiment de déracinement très fort quand elle a entendu (et ce n’était pas la peine d’être à Marrakech, Tabriz ou dans le Lubéron), assise dans son grand fauteuil à oreilles situé dans le grand salon, quand elle a entendu ses petits-enfants, âgés de vingt à quatorze ans parler entre eux pendant au moins une demi-heure, sans lui adresser la parole, une attitude située entre feindre de l’ignorer ou tenter de l’impressionner, parler de façon ininterrompue de choses qui lui étaient inconnues comme s’ils avaient parlé une langue qui lui était étrangère. Elle comprit qu’il serait vain de s’intéresser à autre chose qu’aux choses qu’elle connaissait déjà pour les approfondir.


Elle va rester chez elle. Elle ne va rien acheter.


Elle va bouger peu, profiter de cette maison qu’elle a tant connue mais désormais en prenant son temps, en traînant au lit, en faisant ses courses à des heures normales, en mangeant ou non, en faisant la cuisine ou non, mais elle ne sait pas encore si ce qu’elle imagine est vrai ou s’il s’agit de fantasmes de future retraitée, passer d’une vie de bourgeoise occupée (elle a eu trois enfants) et bien rangée, à une vie de bohême présumée.


Elle a besoin de solitude. Elle a besoin de se retrouver. Elle se doute que ce moment ne durera pas trop longtemps, qu’elle finira par faire comme les autres, désirer voir du monde, se sentir entourée, préparer des repas pour des tablées importantes, et se désespérer de ne pas avoir assez de nouvelles. Pour l’heure elle aimerait être seule. Elle a décidé contre toute logique de se remettre à fumer, de boire plus que de coutume, elle a même acheté un godemiché. Mais, quelques jours avant de quitter définitivement le laboratoire, les nouveaux propriétaires lui ont pourtant proposé d’y travailler un moment comme salariée, à sa convenance, une fois la vente finalisée, pendant le temps qu’elle voudrait, ce qu’elle a refusé, elle a donc décidé, quelques jours avant sa mort professionnelle qu’elle deviendrait, elle y mettra toute son énergie, elle en a le goût et les moyens, elle en a les capacités intellectuelles, la spécialiste mondiale de Camus.

 

Rien que ça ! 


Son grand bureau, celui qu’elle partageait avec son mari, sera le lieu de ses études camusiennes et de ses publications. C’est ainsi. Même si elle part de loin, même si elle n’est pas universitaire, même si elle n’est introduite nulle part dans ce monde mystérieux de l’Université, même si elle ne connaît pas les techniques de recherche, les façons de procéder, la manière de trouver, elle sait qu’elle y arrivera. Elle aime trop Camus pour se laisser impressionner. Elle a trop lu de choses qui lui ont déplu ou paru incomplètes pour ne pas s’attacher à parler de son Camus.


(Versailles, le 14 janvier 2021)

dimanche 3 janvier 2021

POKER

 


 

Cayenne est inquiet : il n’aime jamais jouer avec quelqu’un qu’il ne connaît pas. Ils sont cinq autour de la table. Il y a ses trois partenaires habituels et un quatrième que le propriétaire des lieux leur a imposé. Pour donner du sel à ces parties, ils se réunissent le premier vendredi de chaque mois depuis des années, et celui qui reçoit a la possibilité d’inviter un connu ou un inconnu. Cayenne est un théoricien du poker. Pas seulement un compteur de cartes à la mémoire phénoménale mais aussi un sociologue. Pour lui, mais il n’est pas le seul, les parties de poker ne sont pas des événements isolés, des compétitions hors sol, des réunions qui ne dépendent pas, pour leur déroulement et pour leur issue, celui qui gagne et ceux qui perdent, de la simple science des cartes, de la psychologie des participants, de la chance des bons tirages, ou, parfois, mais pas ici, de la triche. Cayenne sait par expérience que l’état d’esprit des participants, leur état de forme, leur volonté de dominer ou de gagner, l’état de leur compte en banque, leurs relations avec leurs proches, comptent mais sans compter. Enfin, il pourrait expliquer plus longuement si on avait envie de l’écouter.


BM est un homme de cinquante-sept ans qui aimerait passer pour beaucoup plus jeune qu’il n’est, disons dix ans de moins, mais tous les efforts qu’il fait, au lieu d’être efficaces, soulignent encore plus combien il « fait » son âge. Dans le désordre : sa chemise en jean trop bien repassée et sa Rolex de m’as-tu-vu au poignet gauche, avec, à droite, ce ridicule bracelet brésilien, un cadeau de sa fille, prétend-il, BM et ses cheveux poivre et sel assortis à une barbe de trois jours dans le même registre, qui le vieillit de plusieurs années, BM, qu’il a appris à lire comme s’il avait ses entrées dans son cerveau et dont le non verbal, ce truc si critiqué par les psychologues déconstructeurs, est tellement limpide qu’il a parfois honte, en identifiant tout ce que BM laisse transparaître, ce pli sous l’œil gauche qui signifie qu’il a du jeu, ce mouvement de l’index droit qui indique qu’il se demande s’il doit ou non bluffer, que les autres remarquent qu’il triche de façon aussi éhontée en lisant son adversaire. 


Audi porte toujours des lunettes noires, de forme et de marque Ray-Ban, qu’il arbore comme un porte-bonheur, son éternelle chemise blanche, une popeline de prix dont il a retroussé les manches longues jusqu’au milieu de ses avant-bras, il tripote un briquet Dupontavec sa main droite sans allumer le cigarillo d’origine cubaine qui pend à ses lèvres, le maître de maison interdisant le tabac à la table, ses lunettes noires qui soulignent son nez massif et les quelques boutons qui parsèment un visage glabre rasé de près. Audi a un penchant pour le whisky qui, en début de partie, l’avantage et en fin de soirée le rend vulnérable, il devient nerveux et impulsif, il rate des coups et son bluff devient limpide. Audi ne serait pas d’accord avec cela : il dirait que Cayenne se trompe mais il se taira pour ne pas dévoiler sa stratégie de jeu : faire semblant d’avoir trop bu.


Land Rover s’assoit à table comme il est. Il ne fait pas de chichis. C’est lui qui reçoit aujourd’hui dans son grand appartement du boulevard Pereire, si grand que sa famille peut continuer à y vivre pendant que se déroulent les parties parfois animées et bruyantes, une fois tous les quatre mois, il est vrai, mais jusque tard dans la nuit. Assis, il est aussi imposant que debout, un bon mètre quatre-vingt-dix, une centaine de kilos, les mains épaisses comme des battoirs, un cou de taureau et des manières raffinées comme s’il était un marchand de lingerie fine, des sourcils broussailleux et des cheveux si noirs qu’on pourrait croire qu’il les fait teindre. Et à côté de cela, selon Cayenne, une décontraction dans le jeu, une façon si douce de relancer et d’aligner des jetons sur le tapis que l’on pourrait penser qu’il ne bluffe jamais. Ce qui est le cas : Land Rover est le plus mauvais joueur de poker qui soit puisqu’il ne gagne que lorsqu’il a du jeu. Ce qui lui arrive souvent.


Enfin, il y a l’inconnu dont ils ne savent que le prénom : Peter. Il a un léger accent anglo-saxon, il semble timide ou impressionné. Il ne ressemble pas à grand-chose de connu : les Anglais sont parfois inclassables en raison du mélange impossible ailleurs qu’à Londres, et pas dans tous les quartiers, d’une excentricité voyante et d’un classicisme invisible. Disons qu’il s’agit de Gary Oldman jeune, ce qui ne signifie rien puisque l’acteur ne ressemble jamais à rien. 


« Comment Land Rover vous a connu ? »


Peter sourit. Il n’est ni grand ni petit : normal. La seule chose bizarre dans son habillement, c’est ce foulard hors d’âge noué autour de son cou et sa façon surannée de porter sa montre tournée vers l’intérieur de son poignet. 

« A l'ACF. »


L'ACF est à Paris un rendez-vous de voyous. Ce n’est pas une bonne carte de visite pour un joueur de poker, c’est à la fois une marque infâmante et une promesse de difficultés et d’ennuis. 


L’attitude de Land Rover est curieuse : il sourit avec patience comme s’il attendait son heure. Et il attend son heure.


ACF s’installe à la table.


Il connaît les conditions : chacun pose cent euro de façon métaphorique sur la table et, à la fin, ces gens qui ont un compte en banque confortable ont perdu au maximum cent euros et ont gagné au maximum quatre cents euros car il faut un vainqueur en fin de soirée.


« Voilà : je suis un joueur de poker amateur mais un peu professionnel. Mon vrai métier est analyste à la Deutsche Bank, je gagne environ, sans les primes, douze mille euros par mois, je ne participe jamais à des parties filmées, je suis invité dans des parties privées chez de riches amateurs ou dans des bouges inquiétants, ma voiture est une 308 diesel, il m’arrive de tricher, j’ai fait dans mon enfance des tours de prestidigitation, mais je me suis engagé à ne pas le faire ce soir, je suis, sans forfanterie, un très bon joueur, expérimenté, capable de jouer cent mille euro dans une soirée et… gagner beaucoup plus lors de cette soirée… et, dernier point, il faut pour mettre toutes les cartes sur la table, je sais compter les cartes, ne me regardez pas comme cela, il est possible que je bluffe, il est possible que votre ami Land Rover vous ait tendu un piège pour vous jauger, pour savoir comment vous piéger lors de la prochaine partie en ayant observé comment je vous ai eus… Et donc, pour finir, je vous annonce qu’à la fin de cette soirée j’aurais gagné quatre cents euros, que je n’en ai aucun doute, que quoi que vous fassiez vous allez perdre, que j’aie du jeu ou non, que vous vous coalisiez ou non contre moi car ce que je viens de vous dire est déjà en train de vous déstabiliser, vous n'êtes déjà plus vous-même et vous n’allez pas être vous-mêmes, vous allez vouloir en faire plus, ou en faire moins, vous ne serez jamais justes ni dans vos pensées, ni dans vos gestes et je m’en rendrai compte pour vous mettre à nu. S’il est certain que je vais gagner c’est surtout vous qui allez perdre. »


(Versailles, le trois janvier 2021)

 

UN COUPLE SILENCIEUX

      Le couple Bertrand a l’habitude d’aller au restaurant « Aux amis » une fois par semaine. Toujours le même jour, le vendredi midi. Ils ...