jeudi 24 septembre 2020

JALOUSIE

 


Peu après qu’ils se sont rencontrés il lui a dit calmement que si elle le trompait il partirait. Elle avait répondu par bravade : « Nous sommes sur la même longueur d’onde. »


Elle avait un historique. Un historique dont elle ne lui a jamais parlé et dont elle ne lui parla jamais parce qu’elle pense qu’il faut toujours se montrer sous son meilleur jour avec un nouveau partenaire. Et pas l’inverse.


Il n’avait pas d’historique de ce genre. Il n’a jamais décelé qu’une de ses partenaires l’ait trompé. Et il a toujours été vigilant.


L’historique de Claire est désarmant de simplicité : son partenaire précédent avec qui elle vivait sous le même toit depuis plusieurs mois ne cessait d’aller voir ailleurs. Il était tendre, attentif, gentil, bon amant, mais il la trompait. Elle finit par s’en rendre compte, elle lui en fit la remarque et il nia. Cela dura plusieurs semaines. Jusqu’à ce qu’elle le surprît avec l’une de ses meilleures amies. Elle ne mit pas beaucoup de temps à réagir, trop quand même selon ce qu’elle espérait d’elle-même, et elle souffrit beaucoup, d’abord de la tromperie puis de la séparation. Elle se jura qu’on ne l’y prendrait plus. Elle n’osa pas penser que c’étaient des paroles en l’air.


Une autre de ses meilleures amies la consola et la persuada que tous les hommes n’étaient pas comme cela, qu’il ne fallait pas rester sur cet échec, ce que Claire savait car elle avait connu de nombreux partenaires auparavant, elle n’était pas une novice… Elle en conclut qu’elle avait mal réagi parce qu’elle avait trop aimé le trompeur… Suffisait-il donc de ne pas aimer pour ne pas souffrir ? Ou pour ne pas être trompée ?


Quand ils décidèrent de vivre ensemble, Hugo et Claire posèrent des jalons, fixèrent des limites et, l’enthousiasme aidant, elle ne se méfia de rien. Malgré son historique.


« La vie est un éternel recommencement », prétendait sa mère. Son père : « On sort toujours avec la même femme ou avec le même homme. » Allait-elle sortir avec le même mec ?


Hugo était à la fois terriblement jaloux et calmement non directif dans sa jalousie. Elle ne se braqua pas. Il était difficile d’imaginer une personnalité plus déroutante. Quand il était jaloux, il ne montrait pas d’agressivité, il disait juste « Tu sais, le type avec sa barbe de hipster, il te mate depuis le début de la soirée. » Était-ce une menace de séparation ? Ou une simple information ? De toute façon Claire ne remarquait jamais rien. Non seulement elle ne remarquait pas mais, plus encore, elle s’en moquait de ne rien remarquer car elle n’avait pas du tout envie de tromper Hugo. Cela ne l’intéressait pas. Elle n’y pensait même pas. Et son historique indiquait ceci : elle n’était jamais sortie avec deux hommes en même temps. Cela ne lui paraissait pas correct. Elle finissait une liaison et elle en commençait une autre. Tout simplement.


Hugo avait l’œil pour repérer le type qui avait Claire dans l’œil. Il était attentif. Et, au lieu de garder cela pour lui il en parlait. Ainsi, Claire qui était, selon l’expression consacrée, une jolie fille, une femme que l’on remarquait qu’elle fût en jupe ou en jean, en robe ou en T-shirt, en escarpins ou en chaussure de tennis, ses cheveux auburn qui tombaient jusque sur ses épaules, son allure décontractée, sa façon naturelle d’éclater de rire, ses gestes déliés, eh bien, Claire, grâce à Hugo qui s’en serait mordu les lèvres de dépit, commença à comprendre qu’elle était une femme désirée et pas seulement par des hommes en général mais par des hommes qu’elle appréciait au premier coup d’œil. Cette désignation des dangers potentiels par Hugo (et des conséquences possibles, une rupture) lui avait donné un moral de gagnante et l’avait rassurée sur sa capacité de séduction sans rien faire. Elle soupçonnait qu’elle pouvait encore faire mieux si elle s’impliquait. Mais elle n’en avait pas encore envie. Elle trouvait qu’Hugo la contentait. Et elle était aussi contente de ne pas en être trop amoureuse. Amoureuse un peu. Mais sans plus. Cela la rassurait.


La jalousie d’Hugo n’était pas autoritaire. Il ne lui demandait pas où elle était allée, avec qui elle avait mangé, avec qui elle s’était attardée. C’était une jalousie douce. Alors que celle de Claire était différente : elle ne cherchait pas à savoir. Elle avait dit ce qu’elle avait à dire au début : « Tu me trompes je te quitte. » Elle avait repris les mots d’Hugo, c’était plus simple, cela l’engageait moins. Mais elle n’aurait pas supporté qu’il pût la tromper. Même si elle l’aimait peu.


L’accumulation des avertissements à Claire dont Hugo se vantait quand il était seul devant sa glace, les hommes sont si inconscients, finit par porter ses fruits. Claire commença à regarder avec attention les hommes qu’Hugo lui désignait. Elle voulait d’abord savoir ce qu’Hugo leur trouvait. Avant même de savoir ce qu’ils lui trouvaient. Elle se laissait porter par les avis d’Hugo puis elle comprit qu’il se trompait et que ceux qui lui plaisaient le plus n’étaient pas ceux qu’il lui désignait comme la reluquant.


Au cours d’un cocktail, l’inauguration d’une boutique de décoration, pendant lequel Hugo l’avait avertie en lui montrant un type plutôt moyen, elle se décida, au moment où son partenaire s’éclipsait quelques instants, d’approcher le type, pour voir, et de lui glisser son 07. « Demain dans l’après-midi, vous pouvez m’appeler… »


Et ainsi, commença la période la plus prolifique de tromperie que Claire expérimenta dans sa vie, d’abord avec les désignés puis avec ceux qu’elle se désignait elle-même. Bien entendu elle prit beaucoup de précautions et jamais Hugo ne la surprit. Elle s’amusa comme une folle dans ce rôle de composition, la fille qui trompe son mec tout le temps, mais elle se lassa rapidement, ce qui la vaccina pour le reste de son existence à l’égard des tromperies à répétition. Elle finit par en conclure que son partenaire était un crétin, manquer autant de clairvoyance dans l’exercice de sa jalousie, et elle le quitta. 


Elle ne lui expliqua rien, elle le lui dit jamais ce qu’elle avait fait, ce qui l’avait déclenché, ne voulant pas lui faire subir un sentiment étrange et partagé par de nombreux humains, la jalousie rétrospective, et, surtout, elle désirait ne pas le faire souffrir gratuitement en lui inoculant le poison de la culpabilité.


(Versailles, le 22 septembre 2020)

Image empruntée à Gabriela Manzoni

jeudi 17 septembre 2020

AMERTUME



Par cette belle soirée d’été qui sera la dernière de leur amour et de leur amitié ils sont attablés sur une terrasse, face à face, sans se poser de questions, comme si de rien n’était, amoureux et amis, et le restaurant qui leur a été conseillé semble, à la lecture de la carte, à la hauteur des promesses qu’on leur a faites. Elle sait ce qu’il va choisir, il sait ce qu’elle va manger, ils savent quel vin ils vont commander. Leur couple est un long fleuve tranquille qui va s’arrêter là. Ce soir, après avoir mangé, ils vont se dire au revoir et partir chacun de leur côté. Tout est réglé.


Ils ont envisagé leur séparation depuis plusieurs semaines. C’est ce soir leur dernière soirée, leur dernier repas ensemble, leurs dernières conversations. Ils ne se reverront plus. Ils ont décidé de rompre en coupant définitivement les ponts. Ils sont fragiles. Ils pourraient rechuter. Il leur semble que cela vaut mieux. Ne plus jamais se revoir pour ne jamais avoir de regrets.


C’est lui qui l’a convaincue. C’est lui qui a pris l’initiative. Il ne part pas avec une autre femme, et ce n’est pas un mensonge qu’il lui a servi par élégance. Elle le croit. 


C’est, de loin, le couple le mieux assorti de la terre, ils sont propres sur eux, bien élevés, ils ont fait des études supérieures, pas des études très supérieures, mais quand même. Ils ont des professions qui pourraient faire plaisir à tous les parents, des professions qui permettent de vivre sans s’inquiéter des fins de mois.

 

De près, pourtant, ils ne se ressemblent pas beaucoup, leurs goûts sont différents, ils ne viennent pas du même endroit, mais, plutôt que d’y avoir vu des motifs de dissension, ils ont préféré considérer ces différences comme des motifs d’enrichissement. Au lieu de ronronner dès leur première rencontre ils ont commencé par écouter l’autre et se dire que puisque la personne qu’ils aimaient avait ce genre de préférences, il était vraisemblable qu’elles avaient de la valeur. Idyllique, non ? Mais imparfait car tout ne pouvait pas passer. Mais ils ont géré. Comme des chefs.


Le dîner se passe à la perfection, l’air est doux, les tables sont distantes, les autres convives sont calmes, le service est discret et minutieux, les cuissons sont parfaites, les saveurs apprêtées, les mélanges délicieux. Un seul bémol : le vin n’est pas tout à fait à la hauteur. Ils auraient pu en espérer mieux : il est bon, sans plus, bon, mais un coteau d’aix rouge méritait un peu plus de largeur en bouche et un peu moins de verticalité.

 

Il reste le dessert avant le grand bond en avant.


Le crumble aux fruits rouges est un classique. Un classique des restaurants et un classique pour ce couple qui va se séparer et qui en a pris un pour deux. Les crumbles sont plutôt faciles à réussir. Ce couple n’est pas difficile à séduire mais il est difficile à vraiment contenter. Ils se regardent, ils partagent, ils goûtent, ils savourent : le crumble est parfait. Il craque sous la dent et les fruits rouges se mélangent avec élégance et tiédeur à la farine croustillante. Ce qui rend le tout fameux : les fruits rouges dégagent d’abord des saveurs mélangées suaves et raffinées puis une pointe d’amertume étonnante et familière les rehausse au fond de la bouche.


Chloé : « Cette amertume convient parfaitement à notre dernier repas. »


Le lecteur impatient, celui qui aime les courtes nouvelles et déteste que la chute traînaille dans un méandre de considérations annexes, aimerait savoir pourquoi ce couple parfait dîne ce soir à la terrasse d’un restaurant pour la dernière fois. Et qu’ils ne se reverront plus. Il s’agit d’une décision partagée mais l’idée en revient à Karim. C’est lui qui l’a imposée au couple. Car c’est lui le coupable.


C’est la première fois qu’elle se permet une remarque aussi critique et nostalgique. 

« Pourquoi ? »

« Il est trop tard pour les explications.

- Ah… »


Jamais ils n’ont élevé la voix depuis le moment où Karim a annoncé sa décision. 


Son sperme, le mal nommé, ne contient aucun spermatozoïde. A cause de lui le couple ne pourra pas avoir d’enfants…


« Mais il existe des solutions » nous dit l’opinion publique enthousiaste. Oui, il existe des solutions. Mais Karim ne veut pas en entendre parler. « Pourquoi ? »


Chloé a entendu ses explications, a compris ses explications mais elle n’a eu aucun mot décisif pour le faire revenir en arrière. Il lui est apparu que toute tentative serait vouée à l’échec immédiat et, quoi qu’il en soit, à un échec ultérieur.


Serait-ce l’amertume de Chloé qui s’exprime ? Elle se rappelle ce que lui a dit Karim quand, ce soir terrible, il lui a annoncé qu’il était stérile et qu’il fallait en rester là. Elle n’a pas été convaincue par ses arguments et elle a pensé, sans le dire, qu’il s’agissait d’un dégât collatéral de la modernité… La modernité définitivede leur couple.


Qu’est-ce qui n’a pas convaincu Chloé ?


Karim : « Je suis coupable. Coupable d’être stérile. Coupable de ne pas l’avoir su avant. Je m’en vais. - Tu t’en vas ? - Je m’en vais pour ne pas avoir à assumer ce qui va suivre… -  Qu’est-ce qui va suivre ? - Devoir te faire subir tout ce que tu vas subir, les examens, les procédures, les médicaments, les hospitalisations, les anesthésies… pour que tu sois enceinte d’un autre… - Karim ! »


Lui : « L’amertume des fruits rouges associée au craquant du crumble et à la suavité de l’ensemble. »


Elle proteste.


« Je ne suis plus prêt. Tes parents ont divorcé, tout comme les miens. Serons-nous certains d’être ensemble quand cet enfant entrera au CP, au lycée ou à l’université… - Mais avant ? - Avant, cela sera ton enfant et pas le mien… »


La douce soirée se termine de façon amère. Sans fruits rouges, sans crumble.


Ils sont tristes.


« Tu as quelqu’un ?

- Non, Chloé, pas toi. »


Il n’a personne.


(Versailles, le 10 septembre 2020)

jeudi 10 septembre 2020

LES BRUITS CACHES DU CONFINEMENT


Tous les insomniaques le savent : la nuit on entend des choses que l’on ne perçoit pas pendant la journée, un meuble qui grince, une chasse d’eau qui chuinte, une porte d’ascenseur qui fait du bruit en se refermant, des éclats de voix dans la rue, un passant qui marche sur le trottoir, la toux incessante d’un voisin fumeur, des cris d’enfants malades, comme si ces bruits sortaient de leur inaudibilité diurne où ils sont noyés dans un bruit de fond incessant. Il arrive que ces bruits soient inquiétants, y aurait-il un intrus, un voleur, faut-il réveiller ses proches, appeler Police secours ? Mais, paradoxalement, la nuit est parfois inquiétante parce qu’elle est totalement silencieuse : c'est l’absence des bruits familiers de la journée qui la rend angoissante. 

L’immeuble dans lequel habite la famille Bertrand est étonnamment calme depuis le début du confinement. On a l’impression que les voisins se sont donné le mot : puisque tout le monde est assigné à résidence il est raisonnable de ne pas se faire remarquer. Même les enfants du troisième ne sont pas aussi excités que d’habitude et font attention. Il est pourtant difficile de penser que ces enfants puissent faire attention à quelque chose quand on les connaît depuis autant d’années. Et quand on connaît les parents. La voisine du dessous a cessé de crier, contre son mari, contre ses enfants, contre tout le monde. Les télévisions hurlent moins que d’habitude, les portes claquent moins, les poubelles sont manipulées avec plus de soin. Les gens se surveillent et surveillent les autres comme si le confinement, au lieu d’isoler, rapprochait.

Et le matin, l’après-midi, le soir, on se met au balcon pour se parler, pour se saluer, pour se raconter les derniers ragots ou les derniers complots de la Covid-19. On n'a jamais autant échangé entre voisins qu’en ce moment. Comme si la disparition du roulement incessant des voitures sur le boulevard avait rendu inutiles les fenêtres à double vitrage et permis aux gens de s’écouter vivre. Les appartements donnant sur la rue ne permettent pas en temps normal d’aérer pendant la journée tant le niveau sonore est élevé. Les fenêtres sont désormais grandes ouvertes et il arrive, en pleine après-midi que les oiseaux perchés sur les platanes du boulevard gazouillent avec d’autant plus d’entrain qu’ils savent qu’ils ont désormais un public.

On dit partout que le confinement va entraîner, a entraîné, entraîne, une recrudescence de violences conjugales, de violences à l’égard des enfants, une exacerbation des tensions dans les familles, mais ce n’est pas le cas dans la famille Bertrand. C’est une famille paisible. 

La famille Bertrand conserve ses habitudes, les blagues de papa, les soupirs de maman, mais l’appartement s’est rétréci, les occupants se cognent presque les uns contre les autres, la répétition des repas devient lassante et les menus répétitifs, car auparavant, personne ne mangeait ensemble le midi, les enfants fréquentaient les cantines scolaires, les parents les restaurants d’entreprise, les bouts de comptoir, les sandwiches sous plastique, les demis pression.

Le confinement a provoqué une paralysie des comportements et le télétravail des parents comme les devoirs des petits a rendu les ordinateurs précieux et leur possession indispensable. Comment cela se passe-t-il chez les pauvres ? Maman a fait le planning des emplois du temps pour pouvoir utiliser les ordinateurs et les tablettes. Mais ce qui a le plus changé : chacun sait ce que l’autre fait. L’absence d’intimité est présente partout. L’historique des recherches internet pourrait être embarrassante mais tout le monde se contraint et tente de ne pas choquer les autres en ne cherchant que ce qui pourrait ne choquer personne.

Il est apparu dans cet appartement au temps du coronavirus une sorte de transparence des façons de vivre, des attitudes, voire des pensées. La famille, à force d’être resserrée sur elle-même, devient pesante. Et, en même temps, éclatent les sentiments profonds et les contacts physiques inattendus. C’est une famille qui s’aime.

Chacun fait attention à l’autre, et comme le temps est long et qu’il faut bien le passer, les enfants remplissent le lave-vaisselle avec sérieux, aèrent leurs chambres, retendent la couette de leur lit, mettent la table.
Papa : « C’est cela la vie ? »
Les autres ne comprennent pas.
Papa : « On est en train d’expérimenter un truc insensé : votre mère et moi, on ne travaille pas ou peu, vous n’allez plus à l’école, nous ne voyons plus la famille, vous ne voyez plus vos copains, on sort peu, on met des masques pour quitter l’appartement, on ne va plus au cinéma, on ne fait plus de grandes balades à vélo, le gouvernement nous oblige à justifier nos déplacements, comme si on était en guerre…
- Mais on est en guerre…
- Non, mon chéri, on n’est pas en guerre, la guerre, c’est autre chose, c’est plus grave, il y a des avions qui passent au-dessus des têtes, des bombes qui explosent, des immeubles qui sont détruits, des gens qui meurent à côté de chez soi, non, c’est grave ce que nous vivons mais ce n’est pas la guerre… Est-ce que vous avez peur ?
- Un peu. Mais pas trop. »
Maman : « Où voulais-tu en venir à l’instant avant de parler de la guerre ? »
Papa : « Je voulais dire ceci : comment va-t-on faire pour reprendre la vie d’avant alors que cette vie nous plaît tant ?
- Parle pour toi.
- Tu es malheureuse ?
- Non, mais j’aimerais pouvoir retrouver mes copines à l’école…
- Sans doute. Et toi, Marianne, tu regrettes tes collègues de bureau ? »
Elle ne réfléchit même pas : « Non. Et toi ?
- Tu veux parler de qui ? Ce crétin de Julliard ? »
Il rit.
« Il est donc possible que nous regrettions le confinement, cette période sans insouciance, cette période où il faut faire attention à tout… et aux autres »

Marianne pense en elle-même : il n’y a qu’une seule chose que je ne regretterai pas, c'est la musique du glas des enterrements, à onze heures et demie presque tous les jours, venant de l’église toute proche, celle qu’on ne remarquait jamais et dont les cloches ne sonnaient même pas les heures pour ne pas déranger les habitants voisins, la triste musique qui ponctue les morts du Covid-19, nous rappelant que nous sommes mortels, que nous serons bientôt les derniers sur la liste, nos enfants nous enterreront. 

Des larmes lui montent aux yeux, elle pense à ses parents qu’elle n’a pas vus physiquement depuis trois mois et elle se cache des autres pour ne pas les inquiéter.

(Versailles, le 5 mai 2020)

UN COUPLE SILENCIEUX

      Le couple Bertrand a l’habitude d’aller au restaurant « Aux amis » une fois par semaine. Toujours le même jour, le vendredi midi. Ils ...